Matthieu Scholder: « La personne a toutes les cartes en mains. Je suis juste là pour l’aider à les jouer ! »
© Photo prise par Emmanuel, l’une des personnes accompagnées par Matthieu
20 ans de l'Accompagnement à domicile de Pro Infirmis
Matthieu Scholder est accompagnateur pour le service de l’Accompagnement à domicile de Pro Infirmis depuis près de quatre ans. Cet originaire du Nord vaudois a baigné dans le domaine de l’accompagnement des personnes en situation de handicap depuis tout petit, puisque sa maman a travaillé comme éducatrice spécialisée dans le domaine. Rencontre.
Matthieu, qu’est-ce qui vous a amené à travailler comme Accompagnateur à domicile ?
Après des études en histoire, je me suis rendu compte que ma vraie voie était dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap. La magie s’est opérée lorsque j’ai commencé à travailler comme moniteur-animateur dans des camps d’été durant mes études. Il y a souvent quelque chose d’authentique dans les interactions avec les personnes ayant une déficience intellectuelle. Et le métier est très gratifiant car il a du sens.
Le travail de l’accompagnement à domicile est un travail profond sur le long terme, où une relation de confiance se développe. Toutes les personnes que j’accompagne sont de chouettes personnes avec de belles personnalités !
C’est quoi, l’accompagnement à domicile ?
L’accompagnement à domicile est un accompagnement pensé pour les personnes en situation de handicap qui peuvent et souhaitent vivre dans leur propre appartement. On voit ensemble la manière de gérer les actes de la vie quotidienne : nettoyer son logement, faire les courses, cuisiner, organiser son temps libre, par exemple. Je suis à ses côtés, je l’aide, je la soutiens, je la conseille, mais je ne fais jamais à sa place. Au fond, c’est donner la petite impulsion pour permettre à la personne de prendre confiance et de devenir toujours plus autonome.
C’est aussi permettre à la personne de faire des choix, de décider elle-même de ce qu’elle veut faire de sa vie. Cela peut être de changer de travail, de de voter, de s’engager dans du bénévolat ou encore de faire des cours de théâtre. Ensemble, on se donne des objectifs, et on se donne les moyens de les atteindre. « Tu aimerais faire des cours d’improvisation ? Allez viens, on appelle ensemble l’école de théâtre pour avoir des renseignements et je t’accompagne au premier cours ». La personne a toutes les cartes en mains, en permanence. Je suis juste là pour l’aider à les jouer !
Je ne suis pas là pour juger de la manière dont la personne vit, ni pour la surveiller. Je n’ai pas comme tâche de faire des personnes que j’accompagne de bons petits citoyens, mais de leur permettre de vivre leur vie comme ils l’entendent. C’est ça, l’autodétermination.
De quelle manière travaillez-vous ?
L’inclusion, l’autodétermination, la bienveillance et le respect des personnes dans leur handicap sont au cœur de l’accompagnement à domicile. La volonté de la personne accompagnée et sa parole doivent rester au centre de notre travail. Si elle ne voit pas le sens à cet accompagnement, nous ne pouvons pas avancer. La demande vient souvent des proches, mais la personne accompagnée doit être partie prenante.
Comment se passe une intervention ?
Les objectifs de l’accompagnement sont définis lors d’une première rencontre entre la personne concernée, ses proches et Pro Infirmis. Ensuite, Pro Infirmis nous introduit auprès de la famille. C’est là que débute le travail de l’accompagnement.
Je prends le temps des premières rencontres pour faire connaissance avec la personne. On s’apprivoise, on discute, on vérifie que les objectifs conviennent. Il se peut que ceux-ci évoluent au fil du temps. On commence par faire une ou deux tâches sympas. Souvent, on cuisine ensemble, c’est une bonne manière de faire connaissance ! Il faut que l’accompagnement reste agréable.
Petit à petit, une routine s’installe, une confiance se crée. On peut commencer à travailler sur les objectifs fixés. Lors de chaque rencontre, je prends toujours un moment avec la personne pour discuter, savoir comment elle va. Je vais à son rythme. Puis, on commence à faire ce qui est prévu : s’attaquer au ménage, faire les courses, cuisiner, prendre un rendez-vous chez le médecin. Parfois, je ne fais presque rien, c’est de l’ordre du rituel : la personne a juste besoin d’une impulsion. D’autre fois, je mets plus la main à la pâte.
Quand la personne a un projet, c’est de voir ensemble comment on peut le mettre en place, étape par étape. La personne souhaite changer de travail et évoluer professionnellement ? Un premier objectif peut être de trouver une routine et d’arriver à l’heure sur son lieu de travail. Chaque accompagnement est différent !
Qu’est-ce qui, selon vous, fait un bon accompagnateur ?
Un bon accompagnateur, c’est quelqu’un de patient, capable de prendre le temps. Il doit être sensible pour comprendre l’état d’esprit dans lequel est la personne et aller à son rythme. C’est quelqu’un de persévérant. Ce n’est pas évident, nous entrons dans l’intimité des gens. Il s’agit de garder la bonne distance : rester professionnel, ne pas être froid et distant mais créer un lien. Le plus important enfin, dans tout travail social, c’est de se questionner sur sa pratique et ce qu’on fait : est-ce pertinent, bénéfique pour la personne ?
Au final, l’accompagnement est joyeux et drôle ! Quand les résultats sont là et que la personne est fière d’être arrivée à faire les choses par elle-même, c’est puissant ! Ce sont des moments où se sent vraiment vivant.
Entretien: Johanna Monney